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Le Blog de Cyrille BORNE

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Actualité : orientation 2023, la désillusion de l’apprentissage

Tuesday 28 March 2023 à 10:00

J’avais écrit un article plutôt complet sur l’orientation après la troisième de l’enseignement agricole. Il reste vrai dans les grandes lignes. Pourtant, en ce moment, on constate une tendance problématique pour l’apprentissage. Ce que j’écris reste bien sûr à prendre avec des pincettes. Il s’agit d’un secteur et ne pourrait être généralisé à toute la France. Un petit point sur l’orientation 2023 en apprentissage.

Orientation 2023 : trouver un patron, la croix et la bannière.

Nous sommes à l’heure actuelle dans une situation particulièrement paradoxale. L’état vise le million de signatures de contrats d’apprentissages, de nombreux secteurs manquent de personnels qualifiés. L’exemple type, c’est le bâtiment. Dans mon établissement scolaire, nous faisons de lourds travaux, les patrons se plaignent de manquer de salariés.

Cependant, alors que j’ai des élèves qui cherchent un patron dans l’électricité ou dans le bâtiment, ils ne trouvent pas. Il s’agit ici de jeunes sérieux, encadrés par leur famille. Nos jeunes peinent de plus en plus à réaliser ce type de démarches seuls, aujourd’hui signer un jeune, c’est signer une famille. Cela peut paraître étonnant, mais c’est plein de bon sens.

Pendant des années, nos élèves nous expliquaient que l’école les ennuyait, mais qu’ils étaient de véritables machines dans le monde du travail. Il y a dix ans, c’était vrai. Aujourd’hui, un jeune peu performant à l’école, est souvent peu performant en stage. Les patrons sont devenus méfiants et ne veulent plus de « gamins » de 15 ans. S’ils doivent signer un jeune, « signer sa famille » c’est la garantie d’un cadre. Une garantie d’avoir des parents qui seront bien derrière lever le jeune le matin pour aller au travail.

En fin de compte, le positionnement de nos jeunes finit par se retourner contre eux et c’était prévisible. Les patrons ne veulent plus former dans mon secteur. Et c’est ici tout le paradoxe. Le profil idéal serait un jeune de 18 ans, avec une expérience qui peut commencer directement. Comment alors, par magie, former ce fameux jeune entre 15 et 18 ans si personne ne veut de lui ?

À l’heure actuelle, la famille d’un de mes jeunes a contacté plus d’une trentaine d’électricien sans réponse positive.

Quand on oublie que l’apprentissage, c’est aussi aller à l’école

J’ai des retours de mes anciens élèves de troisième qui font aussi un apprentissage. Tout est loin d’être rose. Pour eux, partir en apprentissage, c’était la fin de l’école. Entrer dans le monde du travail, pour enfin abandonner les bancs de la classe.

La désillusion est assez importante. J’ai un élève pour qui tout se passe bien avec son patron, il fait paysagiste. La problématique est ailleurs, il ne travaille pas à l’école. Car on oublie qu’un CAP qu’il soit fait en apprentissage ou non, reste un diplôme avec des maths et du français. De l’autre côté, j’ai une élève partie en esthétique, qui me disait ne pas s’en sortir et souffrir d’épuisement. Elle est dans un salon avec une patronne très exigeante, les cadences de travail sont importantes. Les weekends, elle travaille pour l’école, elle m’expliquait ne plus avoir de vie sociale.

Le statut d’apprenti n’est en fin de compte pas idyllique. Des élèves saturant de l’école se retrouvent dans la position inconfortable de devoir gérer une scolarité, mais aussi un travail. Les cassures de contrat sont donc importantes entre l’insatisfaction du patron et le jeune qui peine à joindre les deux bouts. La scolarité d’un côté, l’activité de l’autre.

Cette situation se retrouve désormais dans le supérieur. Pour un exemple que je connais bien. Le Purple Campus est un CFA privé qui fait un très grand nombre de formations. Dorénavant, pour faire le DUST de préparateur en pharmacie, avoir le patron n’est pas une condition suffisante. C’est à présent test à l’entrée, sans même tenir compte de Parcoursup. En effet, le CFA réalise que certaines filières comme le BAC PRO SAPAT (Services Aux Personnes et Aux Territoires), l’équivalent de l’ASSP dans l’éducation nationale, se font littéralement rétamer aux partiels. Le CFA se retrouve alors avec des élèves qui n’ont pas le niveau et qui ne finiront jamais le DUST.

Aujourd’hui, même le CFA filtre à l’entrée !

L’apprentissage est tout sauf la voie de la facilité, au contraire

Le discours de nos jeunes aujourd’hui, pour beaucoup, en 2023, c’est une orientation en apprentissage. Enfin pour être honnête, c’est un discours qu’ils avaient beaucoup en septembre 2022 et qui évolue pour certains en 2023.

La recherche du patron est souvent éliminatoire. N’allez pas croire que je fais de l’anti-jeune, mais comme je l’avais évoqué dans mon précédent billet, certains pensent que le patron va venir les chercher. La prise de conscience tardive qu’il faut se bouger pour trouver un patron est fatale. On en revient à l’importance de la cellule familiale qui prend en charge les démarches du jeune et pour trouver le patron et pour le CFA.

Les réseaux sociaux permettent à chacun d’avoir des connexions avec des élèves des années passées. Ils savent donc comment cela se passe pour la promotion précédente. Cassure de contrat, difficultés. Les patrons qui ne prennent pas. Les CFA qui regardent de plus en plus les performances du jeune au travers des bulletins ou de tests.

Quand il n’y a pas si longtemps, l’apprentissage était présenté comme la voie de sortie des élèves non scolaires, ce n’est plus vrai. L’apprentissage apparaît désormais comme le choix de ceux qui sont capables de mener de front une scolarité, même allégée, et un travail.

En tant que professionnel de l’éducation, la situation est inquiétante. On aimerait que les entreprises assurent leur rôle de formateur. Néanmoins, quand on connaît le contexte actuel, les difficultés pour chacun, si ces derniers refusent de prendre des apprentis, c’est qu’il y a bien une raison.

Il faudra que nos jeunes comprennent tôt ou tard que le manque d’engagement, de sérieux, de ceux qui ont conduit les patrons à ce positionnement a des répercussions sur l’avenir de tous.

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Paradoxe temporel, partie 2

Monday 27 March 2023 à 13:30

J’avais déjà écrit un article sur la thématique du paradoxe temporel. L’orientation de l’article précédent était plutôt autour du cinéma avec quelques ouvrages de bandes dessinées. Je vous propose ici quelques bd sur la thématique qui inspire les auteurs depuis bien longtemps. J’avais déjà montré l’adaptation en bd de Wells, une idée de 1895 !!! Qui n’a jamais rêvé de remonter le temps ? Les dinosaures, le Christ ou le grand classique, tuer Hitler. On notera que même Thorgal avec le maître des montagnes, a son épisode de voyage dans le temps et de paradoxe temporel.

Voyageur, treize tomes sans faute sur le paradoxe temporel

L’exercice du paradoxe temporel est forcément casse-gueule. Il s’agit de bandes dessinées dans lesquelles on tombe dans l’erreur facilement. En effet, tout événement du passé, modifiant le futur, on peut rapidement glisser. Voyageur bande dessinée clôturée en treize tomes, fait partie des références du genre.

Treize tomes qui vont s’étaler sur différentes périodes, le futur avec lequel tout commence, le temps présent, le passé et enfin l’épilogue. Quatre fois trois plus un. L’histoire commence à Paris, aux environs de 2070. Le monde est à l’agonie, les états sont tombés, ce sont de puissantes organisations commerciales qui détiennent le pouvoir. Le monde va particulièrement mal et de façon classique, on distingue les nantis des pauvres, qui se débrouillent. La bande dessinée aborde de manière très intéressante les problèmes de pollution et de réchauffement climatique. On note aussi que les auteurs ont anticipé, dans cette bd de 2007, une radicalisation des mouvements écologistes. Devenir violent pour sauver la planète.

Un combat à travers le temps

Trois enfants s’évadent d’un laboratoire, deux d’entre eux sont récupérés par Vedder, le voyageur. Il se trouve que l’un de ces enfants est Vedder. Et c’est ici que commence l’une des premières accroches de la bande dessinée, savoir qui des deux frères est le voyageur. La mise en place est particulièrement réussie, puisque dès le départ, on nous présente des peintures, des traces dans une grotte, qui montre les « passages » du voyageur. Durant ces treize tomes, on va suivre nos frères qui deviendront ennemis, dans leur lutte à travers les siècles. Les auteurs avec les différents indices laissés par Vedder réalisent un sans faute. Chaque objet

Voyageur fait partie de ces bandes dessinées qui multiplient les dessinateurs. De cette façon, la bande dessinée a pu être clôturée en quatre ans. L’ensemble graphiquement est réussi. L’histoire tient parfaitement la route et on dévore les albums. En effet, on connait la prochaine étape dans le temps, on attend ainsi le retour du voyageur à son époque. Le récit est tellement bien maîtrisé que les auteurs s’offrent un clin d’œil à la croix de Cazenac. Le voyageur prend en effet la pose le temps d’une photo dans les tranchées.

J’ai particulièrement apprécié l’évolution des personnages dans leur lutte fratricide avec quelques questionnements sur le sens des luttes.

Universal War One

Denis Bajram fait partie des auteurs qui sont devenus cultes sans finalement avoir une très grande production. On l’a croisé par exemple sur Goldorak, quelques autres bandes dessinées, peu, Universal War One est certainement son chef-d’œuvre.

Dans le futur, on trouve au beau milieu de l’espace une énorme masse noire. La problématique, c’est que cette masse noire gigantesque se rapproche de la terre. Pour essayer de comprendre l’origine du problème et surtout le détruire, l’équipe Purgatory. C’est ici qu’on voit la force de création de Bajram. Bien avant Suicide Squad bien après les douze salopards, il nous présente une équipe de condamnés de l’armée. Ils n’ont d’autres choix que de mener à bien leur mission pour ne pas passer dans la cour martiale.

Parmi eux, un scientifique de génie, un lâche, un héros qui en fait trop, la fille de l’amiral, un violeur, une victime. L’ensemble des personnages tiendra un rôle majeur durant les six tomes de la bande dessinée. Comme on peut s’en douter, ils finiront par traverser le mur. C’est ici qu’ils constateront que des éléments de temps sont incohérents et nous voilà dans notre fameux paradoxe temporel.

Space opéra énorme, de vrais personnages travaillés avec des flash backs, du vrai combat spatial, Universal War One est une bd qui impressionne. Moins pointilleuse que voyageur dans la gestion de l’histoire et des sauts temporels, la bande dessinée est tellement puissante qu’on lui pardonne.

Et forcément, Universal War One Two sur les rails.

L’action se déroule treize ans après l’épilogue du premier cycle. De mystérieux triangles noirs apparaissent et font disparaître l’ensemble des planètes du système solaire. Les habitants de Canaan vont devoir affronter une nouvelle guerre intergalactique. Démarrée en 2013, Bajram avait déclaré qu’il repartait pour six ans. On est loin du compte, puisque seulement trois tomes ont été réalisés depuis. Je crains qu’à l’instar d’une série comme Sambre, on espère être encore vivant pour voir la suite ! 🙂

La série tient très bien la route et a l’intelligence de ne pas copier l’originale. Très curieux de voir la suite.

Les Quatre Princes de Ganahan

Les Quatre Princes de Ganahan est une série d’aventures à destination des adolescents, même si ça se lit plutôt bien quel que soit l’âge. On trouvera, d’ailleurs, un dessin très dynamique, coloré, et des expressions qui se rapprochent du manga. Le monde de Ganahan est un monde divisé en trois petites planètes qui gravitent autour d’un point central. Chaque monde vit selon ses propres règles, sans trop d’interactions. Sauf que les interactions vont bien avoir lieu puisque les trois mondes se rapprochent avec à terme une collision.

Trois jeunes sont des élus de leur peuple et ils vont devoir trouver des clés qui permettront de sauver les royaumes. Ces clés sont des objets de pouvoirs. Si la bande dessinée s’appelle les 4 princes, on se doute que le quatrième est un méchant dans la partie. On va avoir, à partir du tome 3, des éléments de paradoxe temporels. En effet, Filien, l’un des personnages principaux, sera visité par son double venu du futur. D’autres éléments de ce type vont intervenir mais ce serait spoiler.

À noter un combat final qui n’a rien à envier à Dragon Ball !

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Les vieux fourneaux

Tuesday 21 March 2023 à 08:00

J’avais déjà écrit à propos de Wilfrid Lupano qu’il était un des meilleurs scénaristes de sa génération. Curieusement, la bande dessinée qui est la plus connue au point d’être adaptée au cinéma, n’est pas ma préférée. Une petite présentation des vieux fourneaux, un gros succès populaire.

Les vieux fourneaux, la bd où les héros sont des vieux.

Au moment où j’écris ces lignes, les vieux fourneaux comptent sept tomes. Face au succès de la bande dessinée, on n’imagine pas l’arrêt de la série. Et pourtant sur le principe, ce serait facile. En effet, Pierrot, Mimile et Antoine ont passé les soixante dix ans. La bande dessinée partait plutôt bien. Les trois hommes se retrouvent à l’enterrement de Lucette, la femme d’Antoine. Ce dernier découvre que son épouse l’a trompé avec son ancien patron, un homme devenu sénile. Mimile et Pierrot, accompagnés de la petite fille d’Antoine et de Lucette partent à sa recherche. Antoine a décidé de tuer l’ancien amant de sa femme.

Ce premier tome est une réussite. Plein de tendresse, plein d’humour digne de Michel Audiard, de véritables punchline qui font mouche. On voit les souvenirs de gosses, les souvenirs d’une jeunesse perdue. Un album qui rappelle que derrière chaque personne âgée, des gens qui ont vécu, travaillé, qui se sont aimés.

J’aime beaucoup cette planche plus bas, qui superpose le monde actuel et le passé de nos héros en noir et blanc.

Plus Gaston Lagaffe que Larcenet

Ce premier album, avec de bons mots, de la tendresse, aurait pu laisser penser à une véritable réflexion sur la vieillesse. Lupano d’ailleurs est certainement l’un des mieux placés pour le faire. Sa bande dessinée, Alim le tanneur, nous présente un anti-héros père de famille, sa gamine de quatre ans et son beau-père, un homme âgé. Lupano sait faire de simples gens des héros.

On perd pas mal de tendresse dans les autres albums pour se focaliser sur les excès de Pierrot. Pierrot vit en région parisienne, il fait partie d’un groupe d’activistes de personnes âgées. Ils vont par exemple intervenir dans un meeting de droite avec un vieux qui se fait dessus sur commande. Forcément, la « bombe chimique » est tellement insupportable qu’on évacue la salle.

Ce que certains trouveront amusant, je le trouve plutôt lourd. De nombreuses situations tournant autour des actions de Pierrot sont totalement improbables. La bande dessinée trouve ainsi sa place dans l’excès et perd en profondeur. Pourtant, certaines pistes sont explorées durant l’ouvrage et nous donnent envie de s’accrocher. Sophie la petite fille de Lucette et Antoine qui fait partie des personnages principaux, est enceinte. Qui est le père ? On ne le saura qu’au tome 4. Pourquoi Antoine et son fils sont en froid ? Qu’est-ce qui a motivé le départ de Mimile vers les îles ?

On s’accroche ainsi tant bien que mal pour une série sympathique qui méritait mieux. Une série qui s’enfonce de plus en plus dans les clichés du combat social, mais sans aucune finesse.

Les vieux fourneaux au cinéma

Comme j’aime à le rappeler, la bande dessinée a la force de pouvoir tout oser. C’est moins le cas dans le cinéma. Adapter la bande dessinée au cinéma est une entreprise courageuse, les vieux ne font pas vraiment rêver en grand écran. Une distribution de prestige pour des acteurs d’un certain âge puisqu’on a dans le premier opus Eddy Mitchel, Pierre Richard et Roland Giraud. Ce dernier sera remplacé par Bernard le Coq dans le second opus.

Dans le premier film, c’est le scénario du premier opus qu’on reprend dans les grandes lignes avec des éléments du troisième album. On intercale quelques éléments pour placer des scènes du trois dans le un, c’est globalement cohérent. D’ailleurs, comme dans les différents albums, on fait des raccords avec des éléments du passé, il suffit de remettre dans l’ordre chronologique.

Pierre Richard très efficace dans le rôle du vieil activiste, tout comme Eddy Mitchell en vieillard bien tranquille. Roland Giraud dans le rôle de l’homme bafoué, froid, s’en sort lui aussi particulièrement bien. Alice Pol est parfaite dans le rôle de Sophie. Cet album mérite-t-il une adaptation en bande dessinée ? Pour ma part clairement non. Si certaines adaptations comme le seigneur des anneaux ont du sens, car elles permettent de mettre en image un roman, pour la bd tout est dit, tout est montré. Une histoire alternative comme dans le cas d’Astérix aurait du sens, ici largement moins. Ce premier film reste pour ma part plaisant et pertinent pour ceux qui ne connaissent pas la bd.

Le deuxième, bons pour l’asile, est dans la même veine que le premier et s’appuie sur le titre éponyme. Cette fois-ci l’histoire a été profondément remaniée.

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Le handicap à la Préhistoire

Monday 20 March 2023 à 08:00

Il n’y a pas si longtemps, l’ONU a adressé un nouveau rapport à la France sur sa gestion des problématiques liées au handicap. Le rapport n’est pas élogieux et rappelle que nos sociétés ne sont pas encore au point sur ces questions. Sauf que le handicap, cela ne concerne pas seulement notre époque. En effet, le handicap concerne toute l’histoire de l’humanité, et ce, jusqu’à ces premières heures. Justement, allons voir ce que nous savons de la question du handicap à la Préhistoire. 

Définition

On ne peut pas faire l’impasse sur une définition du handicap. Le handicap est une interaction entre quelqu’un ayant des déficiences et des obstacles environnementaux et/ou comportementaux qui empêchent les concernés de prendre part à la société de manière égale aux autres. Cette définition permet d’inclure les deux modèles du handicap. Le modèle médical, c’est l’idée selon laquelle il s’agit d’une déficience due à un problème physique ou mental qui invalide une personne. C’est une notion donc plutôt individuelle. Et le modèle social quant à lui explique que c’est le fait que la société ne soit pas adaptée à ces situations qui créent le handicap. Par exemple, une personne en fauteuil roulant sera handicapé si un lieu n’est pas prévu pour, mais pas du tout si ce dernier est parfaitement adapté. Bref, le handicap est une notion médicale et sociale. 

En France, on estime que 12 millions de personnes sont concernées par le handicap et dans le monde cela serait un milliard de concernés. C’est un nombre important, mais il faut prendre en compte un détail. En effet, il y a une forte proportion de handicaps dits “invisible” c’est-à-dire qui ne se remarque pas au premier coup d’œil. En France, cela concerne par exemple 9 millions de personnes. Il faut aussi préciser qu’il y a plusieurs types de handicap : mentaux, moteurs, psychiques et sensoriels.

À présent que cela est dit, commençons notre voyage dans le temps.

Le Paléolithique

Débutons par le Paléolithique (-2 MA – 9600), la période la plus ancienne. Plusieurs sites ont permis des découvertes de squelettes concernés par le handicap. Rappelons quand même que nous ne pouvons identifier que les différences visibles sur les ossements. Une grande partie des handicaps nous échappent donc. 

Un premier cas notable se trouve en Espagne sur le site de Sima de los Huesos . Dans un réseau de grotte ont été retrouvés 28 squelettes. Celui qui nous intéresse est celui d’une jeune fille ayant vécu il y a 430 000 ans (Paléolithique inférieur) et morte à 10 ans. Baptisé Benjamina, ce squelette se caractérise par une déformation du crâne qui le rend asymétrique. La jeune fille souffrait d’une craniosynostose, une pathologie qui soude prématurément une ou plusieurs parties du crâne. Cette pathologie intervient dès la vie fœtale. Cela a eu pour conséquence de rendre le visage asymétrique. On estime que ces différences ont été visibles dès l’âge de cinq ans. Or comme l’enfant a vécu 10 ans, on peut supposer qu’il n’a pas été rejeté de son groupe malgré cette différence. Il faut ajouter que la craniosynostose s’accompagne souvent de retards cognitifs modérés.

Tout cela fait penser que l’enfant a eu besoin d’une surveillance importante et était moins autonome. Ainsi, le groupe aurait pris soin plusieurs années d’un enfant handicapé. Cela pourrait démontrer l’existence d’une compassion à cette période reculée.

Restitution du visage de Benjamina marqué par sa craniosynostose d’après Hélène Coqueugniot. L’enfant « différent » au Paléolithique. Les Nouvelles de l’archéologie, 2021.

En Israël se trouve un autre cas intéressant. Sur le site de Qafzeh dans une grotte, on a découvert 29 individus qui ont vécu il y a 100 000 ans. Parmi eux se trouve un enfant nommé Qafzeh 11 morts à l’âge de 12 ans. Son crâne semble se caractériser par une sorte de fracture. Une étude réalisée en 2014 a permis de créer un modèle 3D du crâne. Les chercheurs ont pu se rendre compte que la fracture a été provoquée par un accident ou un coup violent. Mais surtout, cela a causé des dégâts sur le cerveau de l’enfant. Tout d’abord, cela a impacté son volume crânien. En effet, malgré ses 12 ans, son crâne a le volume d’un enfant de six ans. De plus, le traumatisme a probablement touché la zone du cerveau qui gère la communication sociale.

Cela s’est probablement accompagné de crises d’épilepsies et de difficultés praxiques, c’est-à-dire des troubles de la coordination. Pour finir, il est possible qu’il se soit ajouté des troubles du langage et de la prise de décision. Pour survivre plusieurs années, il est très probable que cet individu ait eu besoin de l’aide de son groupe. Il y a donc là encore peut-être eu des soins et une attention particulière pour une personne en situation de handicap. 

Qafzeh 11 d’après Vandermeersch, 1970

Le site de Qafzeh nous réserve encore des surprises. En effet le groupe a inhumé l’enfant handicapé avec deux bois de renne sur le corps. Or c’est le seul site à avoir reçu un tel traitement. Peut-être que le renne était un animal psychopompe, c’est-à-dire dont la fonction est d’amener les âmes des morts dans l’au-delà. Quoi qu’il en soit, c’est inhabituel. Autre surprise, sur ce même site on trouve un enfant qui souffrait d’hydrocéphalie. Autrement dit, il avait un surplus de liquide dans le cerveau. Or lui aussi a un traitement particulier : il est inhumé avec un adulte. C’est une pratique rarissime pour cette époque. Il est possible que cela soit dans le but d’avoir un adulte protégeant un enfant affaibli dans l’au-delà. Nous avons donc certes des soins, mais peut-être même des rites particuliers visant des corps différents. 

Sépulture double de Qafzeh d’après un dessin de Dominique Visset ; Tillier 1995

Le Néolithique

Passons au Néolithique (6000 – 2300 av.JC) la période où apparaît l’agriculture et l’élevage. Parmi les sites que l’on peut évoquer il y en a un qui se trouve au Vietnam. 

Situé à 100 km au sud d’Hanoï au Vietnam se trouve une nécropole de la fin du Néolithique datant de 4 000 avant notre ère. On y a découvert 95 sépultures, parmi elles se trouve l’individu dit M9. Il se caractérise par un trouble congénital qui a provoqué la fusion de certaines de ces vertèbres. Ce à quoi s’ajoute une quadriplégie, donc une paralysie des quatre membres. Cette pathologie s’est au moins développée sur 10 ans, ainsi l’individu M9 a obligatoirement reçu une grande aide pour survivre alors une société qui aurait vraisemblablement accepté le handicap. Il aurait eu besoin d’aide pour se nourrir, trouver un abri, se laver ou encore pour être intégré socialement. Ce groupe doit en conséquence s’habituer à donner des soins et à prendre en charge les besoins de quelqu’un de dépendant.

Individu M9 d’après Marc F. OXENHAM, Lorna TILLEY,Hirofumi MATSUMURA, Lan Cuong NGUYEN, Kim Thuy NGUYEN, Kim Dung NGUYEN, Kate DOMETT, Damien HUFFER  ANTHROPOLOGICAL SCIENCE Vol. 117(2), 107–112, 2009

Ces exemples semblent montrer que les personnes handicapées, dans certaines sociétés préhistoriques, il y a eu des soins pour des personnes souffrants de difficultés. Il y aurait peut-être même eu des rites particuliers. De là à parler de compassion à l’égard du handicap il n’y a qu’un pas.

Vertèbres de M9 montrant son handicap d’après Marc F. OXENHAM, Lorna TILLEY,Hirofumi MATSUMURA, Lan Cuong NGUYEN, Kim Thuy NGUYEN, Kim Dung NGUYEN, Kate DOMETT, Damien HUFFER  ANTHROPOLOGICAL SCIENCE Vol. 117(2), 107–112, 2009

La compassion

Un pas certes, mais un grand pas qui peut être traître. La compassion c’est quelque chose de difficile à mesurer à partir d’ossements. Le soin est une activité qui peut se constater à partir des squelettes, mais il n’implique pas nécessairement la compassion. L’anthropologue Katty Dettwyler évoque 5 préjugés dans lesquels il ne faut pas tomber quand on parle de handicap préhistorique

  1. Un individu avec des pathologies invalidantes a survécu cela témoigne directement de la compassion d’un groupe. Ce qui est discutable puisqu’en admettant qu’il y a des soins ce n’est pas forcément de la compassion, cela pourrait aussi être un acte simplement nécessaire pour ne pas perdre un individu qui assure la survie du groupe.
  1.  Un individu ayant une déficience serait obligatoirement improductif et une charge pour l’entourage. Sauf que c’est pas si simple, par exemple une personne ne pouvant plus se déplacer aisément est encore capable de produire des outils de silex
  1. Un squelette présentant une pathologie démontre la présence d’un handicap. Nous avons parlé du modèle social du handicap, l’environnement joue un rôle très important. On ignore si pour la Préhistoire, il était facile, par exemple de vivre avec un seul bras. Il est donc très difficile de savoir qui était réellement handicapé.
  1. Maintenir en vie quelqu’un ayant de lourdes pathologies et difficultés est une bonne chose du point de vue du sujet . Sauf que l’on ignore si les soigneurs s’occupaient d’une personne consentante, ou même s’ils la traitaient bien.
  1. Il faut éviter d’estimer que tout le monde était autosuffisant. Ainsi la solidarité ne s’appliquait pas forcément seulement aux personnes âgées, malades ou handicapées, peut-être que certains groupes se partageaient les tâches et qu’il y avait des dépendances mutuelles même pour les gens valides.

Il  est donc nécessaire de rester prudent car la compassion ne laisse pas de traces. Ce que l’on pourrait interpréter comme de la compassion n’en était pas nécessairement. En réalité, le souci vient du fait que l’on a tendance à confondre cette dernière avec le soin. Le soin est un ensemble d’activités coordonnées dont l’objectif est de donner une protection, des ressources et de l’aide à une personne qui en a besoin que ce soit de manière temporaire ou non. La compassion quant à elle est un état émotionnel. Or l’un n’implique pas forcément l’autre. 

À cela s’ajoute l’idée que la société est divisée entre valide et invalide est moderne, rien ne dit qu’une telle distinction est existé. Katty Dettwyler souligne qu’à l’époque la validité était rare et temporaire. Il faut donc sortir de l’idée d’une préhistoire valido-centrée.

Conclusion

Que peut-on dire en conclusion ? Certaines découvertes montrent que des personnes parfois lourdement handicapées ont survécu plusieurs années. Cela semble prouver que le groupe les prenait en charge. Certaines populations ont même effectué des inhumations particulières pour les handicapés. Peut-on pour autant parler de compassion ? C’est un sujet sur lequel il faut rester prudent, on peut le supposer, mais le prouver est très difficile. Quoi qu’il en soit, le handicap a toujours existé, et les futures découvertes nous permettront sans doute de mieux comprendre ce sujet passionnant.

Pour avoir plus de sources et d’infirmation je vous renvoie à cette vidéo.

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One shot, numéro 9

Tuesday 14 March 2023 à 08:00

Au programme de ce one shot : des croquemitaines, l’immortalité, une enquête criminelle à Barcelone, un robot plus vrai que nature, et une série de meurtres au familistère.

Croquemitaines

Comme dans l’épisode précédent, je triche un peu, il s’agit de l’édition intégrale et pas un one shot. Initialement paru en deux tomes, une édition intégrale est sortie par la suite. L’histoire est relativement courte au point de dire que le choix de deux tomes est commercial. L’intégrale comporte un cahier de croquis complet, encore commercial ?

C’est l’histoire d’un enfant interrogé par les forces de l’ordre, elles veulent savoir ce qui s’est produit la nuit du drame. L’enfant ne peut rien dire, il a été le témoin d’une guerre entre les croquemitaines. En effet, depuis des années, le petit explique à son père qu’un croquemitaine vit dans sa cave avec un loup. Il se trouve que lorsqu’un fou sous l’emprise d’un croquemitaine entre dans la maison pour tuer tout le monde, le croquemitaine de la cave fait son apparition.

Dans l’univers de Mathieu Salvia, les croquemitaines récents auraient mangé les anciens contrairement aux règles. Il se trouve que le croquemitaine de la cave est un grand ancien qui avait renoncé à ses crimes.

L’histoire n’est pas si originale. En effet, le grand méchant qui ne veut plus faire de mal, est un classique qu’on retrouve chez les vampires, notamment chez Anne Rice. De la même manière, la jeune génération qui s’en prend aux plus âgés est aussi un classique traité dans les films underworld. L’idée du croquemitaine à part dans Monstres et Cie est rarement exploitée, ce qui est assez intéressant. Le dessin de Djet est particulièrement convaincant, très dynamique, faisant penser à du comics. L’ensemble donne une bande dessinée classique mais particulièrement efficace.

Le Sang des Immortels

Dans le futur, on trouve un vaisseau avec à son bord un seul survivant. Ce dernier devrait être mort, mais on constate que ses tissus se régénèrent. Il explique qu’il est immortel et finit par se suicider en se jetant dans l’espace. L’histoire qui aurait pu sembler farfelue intéresse au plus haut point des états, des entreprises et même l’église. Une expédition part sur la planète sur laquelle se rendait le vaisseau afin de trouver l’origine de l’immortalité.

À leur arrivée, la navette se crashe suite à un sabotage. Il ne reste que quatre survivants sur une planète particulièrement hostile. Ces derniers se regardent en chien de faïence en se demandant si le traître est mort dans l’accident ou s’il se trouve parmi eux.

Dans le sang des immortels, on échappera difficilement aux poncifs sur la vie éternelle. Il faut dire que dans le domaine, tout a été écrit ou presque. En fin de compte, rien de bien original dans la réflexion. Le one shot reste toutefois intéressant dans la traque de l’animal qui donne l’immortalité, et les quelques rebondissements que réserve l’aventure.

L’art de mourir

Philippe, un policier français, débarque à Barcelone. Il est convoqué par la police pour lui présenter un corps. D’après la lettre de suicide, la morte, le désigne comme son père. Philippe reconnait deux choses. L’écriture de son ex-femme et la jeune femme présente sur la table est le sosie de cette dernière 25 ans plus tôt. Philippe n’était bien sûr pas au courant de sa paternité.

Intrigué, il va mener l’enquête pour comprendre ce qui est arrivé à cette fille qu’il n’a jamais connue. Il découvre que cette dernière était une spécialiste de la peinture et plus précisément d’un peintre ami de Picasso. C’est autour de ses tableaux que se trouve le mobile du meurtre.

L’art de mourir est une bande dessinée qui rentre de façon aisée dans les séries B. Certaines scènes sont totalement surréalistes, notamment vers la fin, quand Philippe Martin tue une bonne dizaine de truands. Et comme toute bonne série B qui se respecte, si on fait abstraction des incohérences, c’est plutôt réussi. Ceux qui connaissent Barcelone seront ravis de redécouvrir en bande dessinée des lieux qu’ils connaissent déjà.

Made in Korean

Dans un monde d’anticipation, les gens peinent à avoir des enfants. Les plus fortunés se tournent vers des robots. Un couple aux États-Unis se trouvant dans cette situation, mais n’ayant que peu de moyen financier, tombe sur une super affaire. Il se trouve que de l’autre côté de la terre, en Corée, dans l’usine qui fabrique ces robots, un développeur a cassé le code. Il a en effet doté de conscience un robot et s’est débrouillé pour le faire placer dans cette famille.

On comprend à travers ces lignes que nous sommes dans les classiques : Pinocchio, I Robot et tant d’autres. Les œuvres dans lesquelles la création échappe à son créateur, sur les robots, ne manquent pas.

Made in Korean est un one shot qui ne brille pas par son originalité. Il prend toutefois un tournant inattendu. En effet, Jesse, du fait de son « humanité », cherche à socialiser. Elle se lie d’amitié avec des jeunes violents. Pas très original non plus, puisque le personnage candide fait en fin de compte les mauvais choix. Le traitement reste réussi et dans l’histoire qui accroche et dans un dessin épuré qui fait penser au manga.

De briques et de sang

L’ouvrage de Hautière et François m’aura appris quelque chose : le familistère de Guise. L’action se déroule avant le début de la guerre de 14-18, dans ce familistère dans lequel une série de meurtres se produit. Un journaliste et une des habitantes vont mener l’enquête. L’histoire en elle-même n’a rien d’extraordinaire puisqu’il s’agit d’un policier particulièrement classique dans lequel se succède des crimes. Nos enquêteurs cherchent le lien entre chaque décès pour la classique vengeance des familles.

Le contexte du familistère est en outre plus intéressant. On découvre que l’entrepreneur Jean-Baptiste André Godin créé une ville complète autour de l’usine. Pas seulement des logements, mais des magasins, une école, une pouponnière. Il ne s’agit pas, à l’instar d’un Elon Musk qui veut construire une ville pour ses salariés, de simplement regrouper le personnel, mais d’un modèle social. Je vous invite à lire la page de Wikipédia, c’est une histoire assez intéressante, il faut que je demande @benjamin s’il connaît.

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