Site original : Les arcanes de la géostratégie
Autopsie cartographique, de l’ambitieuse doctrine navale indienne, face a l’expansion des opérations militaires chinoises, au coeur de son pré carré. Elle raconte une course effrénée, aux positionnements stratégiques et à l’armement. Mais aussi, l’histoire singulière, entretenue par l’Inde, pays de tous les superlatifs, sur son ancienne aire d’influence, depuis l’Afrique orientale, au monde insulaire. Une relation, qui lève le voile, sur ce lourd héritage culturel, imposé à ses voisins du premier cercle, face aux enjeux colossaux de sécurité maritime actuels, dans un océan devenu, définitivement, le centre du monde.
To be secure on land, we must be supreme at sea
Jawaharlal Nehru
Les autorités indiennes crispées, craignent, qu’une force de frappe navale de l’Armée Populaire de Libération chinoise, patrouille, en permanence, aux quatre coins de l’océan Indien, dès 2025-2026. Une inquiétude confirmée, par les spécialistes de South Block, qui estiment en constante augmentation, le nombre de navires chinois, opérant dans l’IOR : 2019 : 29 ; 2022 : 43 ; 2023 : 23. Une flotte redoutable, constituée de navires de surveillance, de suivi satellite / missile et de recherche scientifique (cartographie des fonds marins : guerre sous-marine), à l’instar du Shi Yan 6, qui arriverait au Sri Lanka, le 25 octobre prochain.
Longtemps peu préoccupée, par la protection de son espace maritime, mise à mal par les sanglants attentats de Mumbai en novembre 2008 (le « 11 septembre indien »), attribués aux services de renseignements pakistanais (ISI), l’Inde traumatisée, qui pleure 166 victimes, jure de barricader techniquement, sa Zone Economique Exclusive.
D’abord, en modernisant son arsenal, par des acquisitions matérielles prestigieuses : Rafale, Scorpène, Boeing P-8I, pods de désignation laser Litening, radar AEW&C, drones MALE Heron & MQ-9B Predator… Delhi dépense, 60 milliards de dollars en deux décennies; 100 milliards de dollars sont prévus en 2033.
Ensuite, en signant des partenariats de Défense (MoU) et logistique (LSA), structurants et solides, avec les grandes puissances, aux atouts multiples : USA, France, Israel, Japon , Australie, Russie, QUAD, ASEAN, plus récemment l’Italie. Enfin, en intégrant les Etats insulaires voisins, à sa propre sécurité maritime. Objectif : défendre ses côtes, mais au-delà, assumer la maritimisation de ses approvisionnements, en fédérant un ensemble de ZEE, sur une vaste superficie (Maldives – 923 322 km2 , Seychelles – 1 370 000 km2, Comores – 160 000 km2, Madagascar – 1 227 000 km2, Maurice – 1 900 000 km2 ), où elle multiplie, les miradors et les patrouilles, très loin de ses bases navales.
Ces initiatives, soutenues par une Stratégie Maritime, de 2004, revalorisée en 2009 et consolidée en 2015, stimulent progressivement l’élaboration d’un grand programme d’indigénisation de l’outil militaire : « Initiative Atmanirbhar Bharat » ou le « Make in India ». Un mélange de transfert de technologies de pointe (ciblées), conclu lors les importations et de réduction drastique des achats d’équipements étrangers (baisse de 10 % entre 2019 et 2022), qui propulse une production nationale d’armement. Plus flexible et adaptée à ses besoins de fonctionnement / coût (cf porte-avions INS Vikrant ou programme Mahendragiri, Frigate Project 17Alpha), l’indigénisation, qui s’appuie sur la force de travail reconnue des ingénieurs indiens, se régionalise (« defence industrial corridors » à Uttar Pradesh et Tamil Nadu) et se perfectionne (DRDO, laboratoires spécialisés).
Surtout, elle crée, la perspective de l’autonomie stratégique et ouvre, la voie royale, vers la fonction imposante, de provider de défense et sécurité. Accords de co-développement, de production, de co-production, d’exportation, autorisation de réexportation, joint-venture, politique du don : la Défense indienne est sur tous les fronts.
Les petits Etats insulaires au Sud, en deal avec la Chine et dépourvus de force navale pour quadriller leurs grands domaines maritimes, sont invités, en mars 2015, par le premier ministre Modi, en visite, à Maurice, à rejoindre le programme hybride SAGAR, (« océan » en hindi; acronyme de Security And Growth for All the Région). Une annonce faite symboliquement, pendant la cérémonie de livraison de l’OPV Barracuda, de construction indienne, à la Garde côtière de Maurice. Ainsi, l’Inde propose clairement, d’être le gendarme à l’Ouest de l’océan Indien. Doublé d’un « grand frère » protecteur et généreux, distribuant à la fois médecine douce, vaccin, riz, patrouilleurs SDB Mk 5 / Zoroaster et Dornier 228. Un « fourre-tout » efficace, qui par des cadences très régulières, lui octroie la possibilité, de sillonner et d’occuper, cette zone éminemment disputée, quadrillée par son ennemi asiatique.
Notre vision pour l’océan Indien est ancrée dans l’avancement de la coopération dans notre région ; nous devons utiliser nos capacités au profit de tous, dans notre maison maritime commune. Nous recherchons un avenir pour l’océan Indien, qui soit à la hauteur du nom de SAGAR
Narendra Modi
l’Inde a incontestablement, hérité des portugais puis des anglais, la notion centrale de grandeur maritime. L’ Indian Navy s’est forgée, sur les principes fondamentaux de son ancien tuteur, la Royal Navy, qui a jadis transformé, aux travers de ses conquêtes, l’océan Indien, en « lac britannique ». Alors, à l’instar de son ancien colonisateur, depuis Duqm – Oman (déjà opérationnelle), Assomption – Seychelles, (base officieuse), Uthuruthilafalhuen – Maldives (en cours de construction), jusqu’à Agalega – Maurice (ouverture décembre 2023), Bharat, fortifie ses bases arrières.
Reliés à ses centres de commandement, en cours de modernisation, ces « porte-avions » à l’étranger, idéalement situés, le long des principales voies d’approvisionnement et à proximité des câbles sous-marins, renforcent les déploiements aéronavals (P-8I, drone, frégate) et donc, la surveillance de ses volumineux approvisionnements énergétiques, indispensables à sa forte croissance économique (8,7% en 2021/2022). En parallèle, l’Inde doit démontrer sa capacité, à contrôler militairement, les principales routes maritimes, afin de gagner une stature internationale.
L’encerclement indien, des positions duales chinoises, sur les nouvelles routes maritimes de la Soie, se dessine. Il s’inspire profondément, de l’application de la théorie guerrière de la Mandala, (cercle), initiée par le « Machiavel » indien, Chanakya, ministre de l’empereur Maurya, Il y a 2400 ans. Elle consiste, à former des alliances sûres, avec des pays qui entourent le « Ari » : l’ennemi de l’État. En résumé, « le voisin immédiat est un ennemi naturel et le voisin de cet ennemi, est un ami ».
Même si, chez certains amis, les contestations sociales, contre la militarisation, à marche forcée, grondent (manifestations IndiaOut aux Maldives, incohérence à Agaléga). Mais peu importe, l’Inde poussée, par le calendrier tendu, des doctrines Indopacifique de ses alliés, doit vite muscler sa disponibilité opérationnelle.
Les incursions agressives et régulières de la Chine, tant dans le golfe du Bengale, qu’au Nord d’ Agalega, pressurise Delhi, qui clame haut et fort, lors des grands sommets, son Indian way : strategies for an uncertain world, tout en sonnant le tocsin, dans les bases de commandements de la Marine. l’Inde nationaliste de Modi, qui brigue la grande puissance dans son océan éponyme, lance une grande offensive de contre-encerclement, en multipliant des alliances de revers, acquises grâce à la force d’une main de fer, dans un gant de coton.
Publié sur Twitter, le 27 avril 2023
Le bassin transfrontalier tanzano-mozambicain Rovuma, possède une richesse minérale exceptionnelle, qui attise les convoitises des puissances étrangères confrontées à une crise énergétique déstabilisante, due à un double embargo : russe sur le gaz et chinois sur les minerais critiques.
1- la restriction de gaz russe relance les contrats en Tanzanie et au Mozambique :
– 2023, la Tanzanie lance son 5è programme de licences, 20/23 blocs Gelés en 2019 par l’es président Magufulli,, puis relancés par S.S Hassan, qui valide le projet de site GNL de Lindi à 30 milliards$.
– 2021, le Mozambique lance son 6è programme de licences, 16 blocs, préqualification en 2022, 6 blocs distribués.
2 – la restriction des minerais stratégiques chinois, comme le graphite (28% batterie véhicule électrique / rentre dans fabrication de systèmes d’armement; +700% de la demande en 2025), dont elle gère 65% de la production mondiale (850000TM-2022) accélère les projets au Mozambique et en Tanzanie, depuis 2015.
Conséquence : mise sous allocation des mines de graphite (+uranium) & arrangements bipartites : la mine de Balama opérée par l’Australie, approvisionne les américains & propulse le Mozambique, au 3è rang des producteurs de graphite naturel (110000MT-2022). C’est dans les villages voisins que des raids meurtriers ont frappé.
Surmilitarisation , plus surveillance agressive des sociétés de sécurité privée, plus la spéculation cadastrale des notables vs la délocalisation forcée, depuis les zones de pêche ou agricole, exacerbent les tensions : premiers signes logiques d’un soulèvement populaire (cf violence à Mtwara en Tanzanie, en 2013).
La superposition d’enjeux stratégiques ( cf, Cabo Delgado, Mtwara, Lindi), ajoutée aux jeux de positionnement des acteurs étrangers rivaux et des groupes insurrectionnels, mêlés à une relocalisation globale, redessinent la géographie des côtes swahili, dans un climat conflictogène.
Alors, la fièvre du graphite va-t-elle provoquer les mêmes sueurs froides que celle du gaz Rovuma, qui a déplacé plus de 1 million de personnes depuis le Cabo.Delgado quadrillé par l’armée du Rwanda, soupçonné de soutenir l’exploitation illégale des mines et les groupes rebelles à l’Est de la RDC ?
L’intervention non coordonnée des armées Africaines et le soutien ciblé des États étrangers, ne permettent de sécuriser que les sites majeurs. A l’extérieur de ces donjons les déplacements incessants des locaux, encerclés par les insurgés et les militaires, créent un noeud gordien.
Publié sur Twitter, le 6 mars 2023
Au Nord-Ouest du Kenya, la pression foncière & militaire s’intensifie, sur les nomades des pâturages qui jouxtent le lac Turkana, depuis que les pétroliers positionnés (en 2012) sur 3 blocs prolifiques (10BA.10BB.13T), ont repris les négociations sur la ratification du Field Development Plan.
La Kenya joint-venture: Tullow/Total/Africa Oil, retardée par la force majeure Covid et les élections présidentielles, attend cette décision qui permettra :
– l’acquisition des terres pour le développement des Infrastructures, nécessaire à la production des ~100 milles barils/jour, en 2025/26, sur les 585 millions découverts par l’anglais Tullow.
– le développement du transport de Lokichar, au port de Lamu (854km), sur les rives de l’océan Indien via les zones export, à travers le pipeline LLCOP, enterré & chauffé, qui est un élément intégré au projet régional du corridor Lapsset.
– l’entrée sur ces blocs de nouveaux partenaires (ONGC, Indian Oil ?)
Un réservoir d’eau douce poissonneux couleur jade de 6405km2, qui traverse sur 250km les plaines immenses & arides du Far West kenyan, quadrillé par un réseau de barrages qui l’assèche (Gibe & Turkwel) et encerclé par les frontières poreuses/floues (Triangle Ilemi) des voisins.
L’air(e) des pastoraux, historiquement délaissés, par le pouvoir central & poussés par le réchauffement climatique, vers une semi-sédentarité (éleveurs deviennent pêcheurs), se compresse et se clôture, dans l’architecture d’un réseau complexe de blocs pétroliers sans frontières.
Cette confiscation de la mobilité concentre les populations, sur des points d’eau engorgés, autour desquels les conflits éclatent. Sur leur parcours les raids meurtriers pour le bétail, qui se militarisent et se politisent, se multiplient tournant vite à une guerre interethnique.
Les spéculateurs, qui lorgnent sur la valorisation de ces terres & sur les perspectives économiques globales du Lapsset (2000km d’infra), manipulent les villages situés autour de la zone pétrolière; là où les bruits de bottes devant rassurer les investisseurs frileux, se font déjà entendre.
Publié sur twitter, le 20 février 2023
L’archipel des Comores prend la tête de l’Union Africaine, dans un contexte atypique sur le continent, mêlant mutations économiques, bouleversements politiques, sur fond d’exacerbation des rivalités territoriales et d’accélération de la concurrence entre acteurs étrangers rivaux.
L’archipel des Comores occupe une place unique et centrale au Nord du canal du Mozambique : chokepoint « oublié » qui ouvre la voie à une route d’approvisionnement majeure, vers un espace géocritique très riche en hydrocarbures, à l’instar du bassin Rovuma à la frontière tanzano – mozambicaine (370km de Moroni).
Ces opportunités énergétiques aux multiples défis techniques (création hub logistique) et sécuritaires (base/appui aéronaval), attisent les convoitises & la compétition dans ce bras de mer surmilitarisé, où les Comores se dressent tels des miradors éparses, face à un spot gazier en feu.
Les raisons de la propulsion, de ce petit État insulaire à un poste si prestigieux, s’inscrivent, dans un contexte de course énergétique tendu, qui met les champs gaziers d’Afrique de l’Est et la surveillance de son vaste domaine maritime, aux frontières floues, au cœur des enjeux.
« Ne jugez pas un grain de poivre d’après sa petite taille, goutez – le, et vous sentirez comme il est puissant ».
Publié sur twitter, le 1 février 2023
Depuis le début des années 2000, les Émirats arabes unis amplifient considérablement leur présence en Afrique, en accélérant les positionnements clé, pilotés par les deux grands leaders de la logistique intelligente intégrée, au Moyen Orient : DP World de Dubaï et Abu Dhabi Ports.
Véritables bras armés logistiques, ils développent en tandem, une stratégie, mêlant diplomatie de comptoirs et de points d’appui fortifiés, confortée par un contrôle sur les ports de classe majeure, qui encerclent le continent et ses zones riches en ressources, via les corridors de transport multimodaux.