Orbite De Transfert


à propos

Après cette introduction à la mécanique orbitale, nous sommes maintenant en orbite autour de la Terre et on se propose de résoudre une orbite de transfert pour changer d'orbite circulaire.

On se trouve sur une orbite circulaire de rayon \(R_1\) (en bleu ci-dessous) dans un véhicule capable de se propulser et on souhaite rejoindre une orbite de rayon \(R_2 \gt R_1\) (en rouge sur la figure).

Orbite de transfert (de R1 vers R2)

Notre orbite de transfert est l'ellipse en vert et nous allons caractériser cette trajectoire à travers la définition d'une ellipse et les résultats de la mécanique.

Orbite de transfert classique

orbite circulaire R1

Nous avons déjà déterminé la vitesse orbitale au rayon \(R_1\) (suite à la mise en orbite):

$$ v_{c}(R_1) = \sqrt{\frac{MG}{R_1}} = V_{c1} $$

Avec \(M=5,9.10^{24}\) (\(kg\)) la masse de la Terre, notre foyer gravitationnel, et \(G=6,67428.10^{-11}\) (\(m^3/kg/s^2\)) la constante universelle de gravitation.

On peut reprendre notre équation de mise en orbite qui s'applique ici :

$$ {v_1}^2 = V_{c1} (2-\frac{R_1}{a}) $$

En effectuant ce changement de vitesse (de \(V_{c1}\) à \(v_1\)), on se propulse sur notre orbite elliptique de grand axe \(2a\).

Mais pour l'instant, nous n'avons pas déterminé \(a\) en fonction de \(R_2\) et nous n'avons pas de garantie d'y arriver.

grand axe du transfert

D'après la figure, nous pouvons voir que ce grand axe est la somme des rayons \(R_1+R_2\).

$$ 2a = R_1+R_2 $$

$$ a = \frac{R_1+R_2}{2} $$

excentricité du transfert

En utilisant des caractéristiques de l'ellipse, nous allons déterminer quelle excentricité est nécessaire pour joindre les deux cercles.

Notamment, au point de départ (\(r=R_1\)):

$$ r_{min} = R_1 = a(1-e) $$

Soit:

$$ e = 1-\frac{R_1}{a} $$

Avec \(e \gt 0\) pour \(a \gt R_1\).

Au point d'arrivée, nous sommes à \(r=R_2\) la distance maximale :

$$ r_{max} = R_2 = a(1+e) $$

Soit:

$$ e = \frac{R_2}{a}-1 $$

Avec \(e \gt 0\) pour \(a \lt R_2\).

Nous pouvons vérifier que ces formules sont correctes en les égalant :

$$ 1-\frac{R_1}{a} = \frac{R_2}{a}-1 $$

$$ 2-\frac{R_1}{a} = \frac{R_2}{a} $$

$$ 2a = R_1+R_2 $$

On peut donc reformuler notre excentricité en fonction des rayons \(R_1\) et \(R_2\):

$$ e = 1-\frac{2R_1}{R_1+R_2} = \frac{R_2-R_1}{R_1+R_2}$$

vitesse de transfert

On peut maintenant exprimer la vitesse nécessaire au transfert de \(R_1\) vers \(R_2\) de la façon suivante :

$$ V^2_1 = V^2_{c1} (2-\frac{2R_1}{R_1+R_2}) $$

$$ V^2_1 = 2 V^2_{c1} (1-\frac{R_1}{R_1+R_2}) $$

Soit:

$$ V^2_1 = 2 V^2_{c1} (\frac{R_2}{R_1+R_2}) $$

Que l'on peut reformuler en fonction de l'excentricité :

$$ V^2_1 = V^2_{c1} (1+e) $$

Ou encore, en fonction de la vitesse de libération depuis le rayon \(R_1\):

$$ V^2_1 = V^2_{lib1} (\frac{1+e}{2}) $$

Il faudra nécessairement augmenter notre enérgie cinétique pour étendre notre distance maximale (donc exercer une poussée vers l'arrière et par réaction nous propulser plus vite vers l'avant).

Dans le cadre de notre expérience, on applique cette poussée à \(t=0\).

durée de transfert

Après le premier changement de vitesse, on voyage sur une ellipse et on atteint le point d'interception avec la grande orbite circulaire lorsque notre vitesse est minimale. Pour déterminer le moment exact ou l'on va effectuer un nouveau changement de vitesse, on utilise la troisième loi de Kepler pour exprimer notre demi période :

$$ T = 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} $$

Soit une durée de transfert \(\tau=\frac T 2\) :

$$ \tau = \pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} $$

Et en fonction de nos paramètres de transfert :

$$ \tau = \pi\sqrt{\frac{(R_1+R_2)^3}{8MG}} $$

Vitesse de stabilisation

Au moment \(t=\tau\), il faudra de nouveau exercer une poussée pour nous stabiliser sur la nouvelle orbite circulaire.

Arrivé à cette distance depuis la trajectoire excentrique, notre énergie cinétique est minimale. Pour conserver cette distance à la source et rester en équilibre dynamique sur la trajectoire circulaire, il faut fournir la différence qu'il nous manque en arrivant et donc exercer une nouvelle poussée vers l'arrière pour nous propulser.

Pour montrer le rapport des vitesses, on peut utiliser la conservation du moment cinétique \(C=r^2\dot \theta = r v = cte\) au deux points que l'on connait :

$$ C = R_1 V_1 = R_2 V_2 $$

Soit :

$$ V_2 = \frac{R_1}{R_2} V_1 $$

Avec \(V^2_1 = V^2_{c1} \left(1+e\right)\)

On obtient directement la vitesse minimale au rayon \(R_2\) :

$$ V^2_2 = \left(\frac{R_1}{R_2}\right)^2 . V^2_{c1} . (1+e)$$

On peut réécrire :

$$ V^2_2 = \frac{MG}{R_2}.(\frac{2R_1}{R_1+R_2}) $$

Soit :

$$ V^2_2 = V^2_{c2}.(1-e) $$

Avec \( V^2_2 \lt V^2_{c2} \).

Pour exprimer l'énergie cinétique à fournir et se stabiliser sur l'orbite circulaire \(R_2\) :

$$ \Delta V^2 = V^2_{c2} - V^2_2 $$

$$ \Delta V^2 = \frac{MG}{R_2} - \frac{MG}{R_2} \left(\frac{2R_1}{R_1+R_2}\right) $$

$$ \Delta V^2 = V^2_{c2} \left( 1 - \frac{2R_1}{R_1+R_2} \right) $$

Et on trouve finalement :

$$ \Delta V^2 = V^2_{c2} \left( \frac{R_2-R_1}{R_1+R_2} \right) $$

$$ \Delta V^2 = V^2_{c2} . e $$

En appliquant cette poussée, on sera sur la grande orbite circulaire, dans le même sens de rotation que précédemment (sur la petite orbite).

énergie fournie

Pour effectuer ce voyage, on doit dépenser de l'énergie cinétique (d'autant plus que la masse \(m\) à déplacer est grande).

On peut exprimer l'énergie cinétique pour se mettre sur l'orbite de transfert :

$$ E_{c1} = \frac{m(V^2_1-V^2_{c1})}{2} = \frac{mV^2_{lib1}}{2} \left(\frac{R_2}{R_1+R_2}\right) - \frac{mV^2_{c1}}{2} $$

$$ E_{c1} = mV^2_{c1} \left(\frac{R_2}{R_1+R_2}\right) - \frac{mV^2_{c1}}{2} $$

$$ E_{c1} = mV^2_{c1} \left(\frac{1+e}{2}\right) - \frac{mV^2_{c1}}{2} $$

Soit :

$$ E_{c1} = \frac{mV^2_{c1}}{2} . e $$

Et l'énergie nécessaire pour se stabiliser sur l'orbite d'arrivée :

$$ E_{c2} = \frac{m\Delta V^2_2}{2} = \frac{mV^2_{c2}}{2} . e $$

application numérique

Calcul d'une orbite de transfert

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interception d'une cible sur l'orbite R2

On garde le cas de figure ou le projectile est propulsé sur l'orbite elliptique lorsqu'il a un angle de 180° avec l'axe de référence \(O_x\) (comme indiqué sur la figure).

Cette fois-ci, on propose d'intercepter un objet (une planète ?) sur l'orbite circulaire d'arrivée (de rayon \(R_2\)).

Au moment du transfert (\(t=0\) dans notre expérience), la cible a un angle \(\alpha\) avec l'axe \(O_x\).

La cible en rouge, le projectile en vert

Le point d'interception du projectile et de la cible sera le point d'interception des trajectoires verte et rouge, en \(\theta=0\), aligné à \(0_x\).

temps de trajet

Dans ce cas, on a déjà exprimé la demi période du projectile :

$$ T_{proj} = \pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} = \pi\sqrt{\frac{(R_1+R_2)^3}{8MG}} $$

Du côté de la cible qui se déplace à vitesse constante sur son orbite circulaire, le temps de trajet restant pour atteindre le point d'interception est proportionnel à \(2\pi-\alpha\):

$$ T_{cible} = (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3_2}{MG}} $$

On tire ce résultat directement des lois de Kepler et on peut le retrouver à partir de la définition de la vitesse :

$$ v = \frac{distance}{temps} $$

$$ v_c = \frac{2\pi R_2}{T_c} = \frac{(2\pi-\alpha)R_2}{T_{cible}} $$

Et avec l'expression \(v_c(r) =\sqrt{\frac{MG}{r}}\), on a :

$$ T_{cible} = \frac{(2\pi-\alpha)R_2}{v_c} $$

$$ T_{cible} = (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3_2}{MG}} $$

interception

On peut directement poser l'égalité entre les temps de trajet exprimés :

$$ T_{proj} = \pi\sqrt{\frac{(R_1+R_2)^3}{8MG}} = T_{cible} = (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3_2}{MG}} $$

Et ainsi :

$$ \pi\sqrt{\frac{(R_1+R_2)^3}{8MG}} = (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3_2}{MG}} $$

Pour assurer une interception directe, il faudra que le transfert se fasse lorsque \(\alpha\) vaut :

$$ \alpha = \pi \left(2-\left(\frac{1}{\sqrt{8}}\right)\left(\frac{R_1+R_2}{R_2}\right)^{3/2}\right) $$

C'est une contrainte forte car elle nécessite des positions initiales très spécifiques avec un décalage entre le projectile et la cible au moment du transfert fixé à \(\pi-\alpha\).

prévoir les conditions initiales

Pour obtenir les conditions initiales décrites précédemment, on se propose d'estimer leurs conditions d'existence.

Le simple fait que les deux objets soient sur des orbites circulaires différentes assure que \(\Delta \dot \theta \ne 0\) (et donc que leur décalage évolue linéairement dans le temps) mais on souhaite évaluer ce décalage entre la cible et le projectile avant le transfert.

Dans ces conditions, la cible évolue sur son orbite de rayon \(R_2\) et le projectile sur l'orbite de rayon \(R_1\).

On peut exprimer leurs vitesses :

$$ V_{c1} = \sqrt{\frac{MG}{R_1}}$$

$$ V_{c2} = \sqrt{\frac{MG}{R_2}}$$

D'autre part, on exprime la relation générale pour une vitesse circulaire uniforme :

$$ V_{c1} = R_1 \dot \theta_1 $$

$$ V_{c2} = R_2 \dot \theta_2 $$

D'où on exprime les vitesses angulaires :

$$ \dot \theta_1 = \sqrt{\frac{MG}{R^3_1}} $$

$$ \dot \theta_2 = \sqrt{\frac{MG}{R^3_2}} $$

Et leur différence qui reste constante dans le temps :

$$ \Delta \dot \theta = \dot \theta_1 - \dot \theta_2 $$

$$ \Delta \dot \theta = \sqrt{\frac{MG}{R^3_1}} - \sqrt{\frac{MG}{R^3_2}} $$

Soit :

$$ \Delta \dot \theta = \sqrt{MG} \left( \frac{R^{3/2}_2 - R^{3/2}_1}{(R_1.R_2)^{3/2}} \right) $$

Comme le projectile se déplace plus vite sur son orbite circulaire \(R_1\) que la cible sur son orbite \(R_2\), le décalage entre eux évolue et repasse périodiquement par la valeur qui nous intéresse : \(\Delta \theta = \pi - \alpha\).

On peut écrire le décalage entre eux de la façon suivante :

$$ \Delta \theta (t) = \Delta \theta_0 + \Delta \dot \theta . t $$

Et exprimer le temps \(\tau\) nécessaire pour retrouver le décalage voulu à partir d'un décalage \(\Delta \theta_0 \) arbitraire :

$$ \tau = \frac{\pi-\alpha-\Delta \theta_0}{\Delta \dot \theta} $$

Soit un temps d'attente avant le transfert :

$$ \tau = \left( \frac{\pi-\alpha-\Delta \theta_0}{ \sqrt{MG} } \right) . \left( \frac{(R_1.R_2)^{3/2}}{R^{3/2}_2-R^{3/2}_1} \right) $$

On peut généraliser notre problème en exprimant nos rayons en fonction du rayon de la source. On note :

$$ R_1 = f_1 . R_T $$

$$ R_2 = f_2 . R_T $$

Avec \(f_2 \gt f_1 \gt 1\).

On peut ainsi exprimer le différentiel de la vitesse angulaire \(\Delta \dot \theta\) comme :

$$ \Delta \dot \theta = \frac{\sqrt{MG}}{R^{3/2}_T} . \left( \frac{1}{f^{3/2}_1} - \frac{1}{f^{3/2}_2} \right) $$

$$ \Delta \dot \theta = \Delta {\dot \theta}_0 . \left( \frac{f^{3/2}_2 - f^{3/2}_1}{(f_1.f_2)^{3/2}} \right) $$

$$ \Delta \dot \theta = \frac{V_{sat}}{R_T} . \left( \frac{f^{3/2}_2 - f^{3/2}_1}{(f_1.f_2)^{3/2}} \right) $$

On peut exprimer la période \(\tau_0\) entre deux positions \(\Delta \theta\) identiques avec :

$$ \tau_0 = \frac{2\pi}{\Delta \dot \theta} $$

Et une situation équivalente pour chaque multiple de \(\tau_0\) :

$$ \Delta t = n . \tau_0 ~~(n \in \mathbb{N}) $$

Ces éléments nous donnent une base pour résoudre un transfert vers une planète lointaine et c'est un cas de figure fréquemment utilisé. Pour aller plus loin sur ce problème, il faudra estimer les incertitudes sur les temps, les distances et autres grandeurs mises en jeu.

Nous pourrions également estimer plus finement les étapes principales ou nous appliquons une poussée : ici nous avons considéré "naturellement" que la poussée était instantanément appliquée. Cela implique une accélération maximale pour le vaisseau qui a pourtant une limite mécanique structurelle qu'il faut prendre en compte (avec éventuellement un équipage).

Je vous propose un autre exercice de transfert en orbite beaucoup moins réaliste dans l'objectif mais néanmoins intéressant en guise d'entraînement.

références