à propos
Marie et Pierre sont en orbite autour de la Terre. Ils sont sur la même orbite circulaire mais distants l'un de l'autre (décalés d'un angle \(\alpha\)). Il se trouve que Pierre a emporté le sandwich de Marie avec le sien. On se propose de trouver une solution pour faire passer le sandwich de Pierre à Marie. L'espace, ça creuse. 🤗
La figure correspond à l'instant initial de notre expérience, soit \(t=0\), le moment ou Pierre envoie le sandwich à une vitesse donnée dans sa direction (la même direction que son vecteur vitesse \(\vec{V_R}\) mais pas forcément dans le même sens !).
Si vous n'êtes pas familier de la mécanique orbitale, je vous propose cette introduction pour poser quelques bases.
hypothèses
- Marie et Pierre sont sur la même orbite circulaire de rayon \(R\).
- Leurs trajectoires ne changent pas au cours du temps, ils se contentent d'évoluer sur leur orbite qui est stationnaire.
- Le sandwich est propulsé par Pierre (l'émetteur) dans la direction de son vecteur vitesse \(\vec v\) (tir tangent à sa trajectoire).
- On néglige la réaction produite par le tir lorsque Pierre lance le sandwich à \(t=0\).
On note \(O\) la référence du repère (centré sur la Terre) et on se place dans le plan \(O_{xy}\) de la trajectoire des deux astronautes. L'angle entre Pierre et Marie est noté \(\alpha\) (alpha). Dans la figure ci-dessus, Marie est en avance sur Pierre d'un quart de période avec \(\alpha=\frac{\pi}{2}\).
équation de l'énergie mécanique
On reprend l'équation de l'énergie mécanique \(E_m\) utilisée en balistique, composée de l'énergie cinétique \(E_c\) et de l'énergie potentielle de pesanteur \(E_p\) :
$$ E_m = E_c + E_p = \frac{m v^2}{2} - \frac{m M G}{r} $$
Avec \(m\) la masse de l'objet considéré, \(v\) sa vitesse, \(M\) la masse de la Terre et \(G\) la constante d'attraction gravitationnelle.
On remarque que la formulation de l'énergie potentielle de pesanteur \(E_p\) est différente du cas classique de la balistique. Ici on prend la formulation générale du potentiel de pesanteur qui est inversement proportionnel à la distance de la source d'attraction. Le cas de la balistique classique est cependant une bonne approximation du même phénomène à la surface de la Terre.
Nos astronautes (ainsi que leurs sandwichs) sont constamment attirés par la Terre, le foyer gravitationnel. Ils subissent donc l'accélération centrale liée à cette attraction. La différence avec la balistique classique étant la quantité d'énergie cinétique \(E_c\) des astronautes en orbite : ils se déplacent avec des vitesses de l'ordre de quelques km/s autour de la Terre.
C'est le principe d'une orbite céleste ou planétaire : un objet se déplace autour d'un foyer d'attraction (une planète ou une étoile) sans jamais le rencontrer et selon une trajectoire prévisible. C'est une définition que nous retiendrons pour l'instant. On peut ajouter que les orbites sont stables lorsqu'elles sont périodiques, ce qui est le cas pour nos astronautes.
Puisque les forces sont centrales, il est plus naturel d'exprimer l'équation de l'énergie mécanique selon un repère polaire, avec \(r\) et \(\theta\) comme coordonnées de position.
Pour représenter le point M, on peut utiliser les coordonnées cartésiennes ou les coordonnées polaires
Pour passer des coordonnées cartésiennes \((x,y)\) aux coordonnées polaires \((r,\theta)\), on utilise les relations suivantes :
$$ x = r.cos(\theta) $$ $$ y = r.sin(\theta) $$
Ce qui revient à exprimer \(v^2\) dans l'équation comme une fonction de ces coordonnées polaires :
$$ E_m = \frac{m (\dot{r}^2 + (r \dot{\theta})^2) }{2} - \frac{m M G}{r}$$
Avec \(v^2 = \dot{r}^2 + (r \dot{\theta})^2\) et les notations différentielles suivantes :
$$\dot r = \frac{dr}{dt}$$ $$\dot \theta = \frac{d\theta}{dt}$$
(Détails sur les dérivées et le repère mobile)
Orbite Circulaire
Animation d'une orbite circulaire
Nos compagnons sont sur une orbite circulaire, ce qui veut dire qu'ils se déplacent sur un cercle et que leur distance à la Terre de change pas :
$$ r_M(t) = r_P(t) = R = cte ~\forall~t $$
Ce qui nous permet de réécrire, dans leur cas, l'énergie correspondante :
$$ E_m = \frac{m (R \dot{\theta})^2}{2} - \frac{m M G}{R} $$
Avec \(\frac{dr}{dt}=0\) sur l'orbite circulaire.
Grâce à la cinématique, on sait que pour un mouvement circulaire uniforme on peut exprimer l'accélération centrale comme une fonction du rayon et du carré de la vitesse :
$$ m \vec{a} = -m \frac{v^2}{R} \vec{e_r} $$
Sachant que l'accélération gravitationnelle s'exprime \(\vec{g}=-\frac{M G}{R^2} \vec{e_r}\), on peut écrire l'égalité entre les deux formes :
$$ -m \frac{v^2}{R} \vec{e_r} = m \vec{g} =-\frac{m M G}{R^2} \vec{e_r} $$
Et on obtient :
$$ v^2 = \frac{MG}{R} ~\Leftrightarrow~ v = \sqrt{\frac{M G}{R}} $$
C'est la vitesse de Marie et Pierre sur leur orbite de rayon \(R\) (notée \(\vec{V_R}\) sur la figure) mais c'est aussi la formulation générale pour toute orbite circulaire si on change la valeur du rayon. Et il nous suffit de connaître le rayon \(r\) de l'orbite circulaire pour caractériser complétement la trajectoire (si on connaît M, la masse du foyer attractif) :
$$ v_c(r) = \sqrt{\frac{M G}{r}} $$
On peut retrouver le concept de compétition entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle de pesanteur en posant la question : quelle doit être mon impulsion, étant donné ma position, pour ne pas tomber vers la source d'attraction et rester sur une orbite stable dans le temps ?
Transfert vers une orbite elliptique
Maintenant que l'on a caractérisé ce qu'il nous faut pour l'orbite circulaire, on peut passer aux orbites elliptiques car le cercle est une forme particulière d'ellipse (un cercle est une ellipse dont l'excentricité est nulle). Pour se figurer comment passer d'un cercle à une ellipse, on peut imaginer deux cercles superposés l'un sur l'autre. Puis en décalant un des cercles dans n'importe quelle direction, on introduit une excentricité à l'ellipse correspondante. Pour tracer une ellipse, il existe la méthode du jardinier connue depuis plus de 2000 ans : on plante deux piquets dans le sol et on accroche les extrémités d'une ficelle à chacun d'eux, il suffit ensuite de prendre un bâton et tendre au maximum la ficelle en la poussant avec le bâton en tournant autour des deux piquets: Animation d'une orbite excentrique.
La figure obtenue est une ellipse. Les deux piquets sont les deux foyers de l'ellipse.
Quelques considérations géométriques sur les ellipses :
- Si on appelle \(L1\) et \(L2\) les distances qui partent des foyers et qui se rejoignent sur l'ellipse, on a la relation : \(L1+L2 = 2a\).
- Pour tracer le grand axe \(2a\), on relie les deux foyers. Pour tracer le petit axe \(2b\) : soit à partir du grand axe, soit en traçant un cercle identique sur chaque foyer et en reliant leurs intersections.
- Grand axe et petit axe sont perpendiculaires et se croisent au centre de l'ellipse. Leurs extrémités sont sur l'ellipse.
Johannes Kepler a montré au 17ème siècle que les orbites célestes à 2 corps étaient de façon générale des ellipses. Il a pu produire la preuve mathématique de cette hypothèse grâce aux observations de Tycho Brahe (qui n'a certainement pas vécu en vain lui non plus !) et produire les 3 lois de Kepler.
Pour pouvoir expliquer la formulation du transfert d'orbite, il faut être convaincu qu'un cercle n'est qu'une ellipse particulière. Il faut également savoir que si un cercle est caractérisé par un centre et un rayon, une ellipse est caractérisée par deux foyers (ie, deux points) et deux distances : le grand axe \(2a\), c'est la plus grande distance rectiligne que l'on peut inscrire dans l'ellipse et le petit axe \(2b\) qui est la plus petite distance qu'on peut inscrire dans l'ellipse. Le grand axe est ce qui nous intéresse le plus ici.
Dans le cas du cercle de rayon \(R\), on a \(a=b=R\) avec les formulations évoquées plus haut.
On peut maintenant formuler l'énergie potentielle d'un objet en orbite elliptique autour d'un foyer attractif (il n'y a qu'un seul foyer de l'ellipse qui attire l'objet) :
$$ E_p = - \frac{m M G}{2 a} $$
Impulsion du transfert
Pour exprimer le transfert, on peut se demander quelle impulsion (ou vitesse à un facteur de masse près) il faut donner à l'objet - qui est déjà en orbite circulaire - pour le faire passer sur une orbite elliptique de grand axe \(2a\) ?
Cette idée peut se formuler de la façon suivante :
$$ \frac{m {V_s}^2}{2} - \frac{m M G}{R} = - \frac{m M G}{2 a} $$
Avec \(V_s\) la vitesse du sandwich au moment du transfert, \(m\) sa masse et \(a\) le demi grand axe de la nouvelle orbite elliptique.
En arrangeant l'équation, on peut exprimer directement \({V_s}^2\) :
$$ {V_s}^2 = \frac{M G}{R}(2-\frac{R}{a}) $$
Ou encore, en fonction de \(v_c\) exprimée précédemment :
$$ {V_s}^2 = {v_c}^2 (2-\frac{R}{a}) $$
Ou encore avec \(v_{lib} = \sqrt{\frac{2MG}{R}}\) :
$$ {V_s}^2 = {v_{lib}}^2 (1-\frac{R}{2a}) $$
définition de l'ellipse de transfert
On va caractériser un peu plus l'ellipse qui doit permettre d'assurer le transfert entre nos deux points en décalage sur leur trajectoire circulaire. On va utiliser la troisième loi de Kepler pour exprimer les temps de parcours du côté projectile et du côté interception. Le but est d'établir l'égalité entre les deux et de trouver une condition sur notre ellipse.
$$ {(\frac{T}{2\pi})}^2 = \frac{a^3}{MG} $$
demi grand axe
Côté interception (Marie qui est en avance d'un angle \(\alpha\) sur Pierre) le temps avant de passer par le point d'émission (le même point que le point d'interception) est :
$$ T_i = \frac{distance}{vitesse} = \frac{(2\pi-\alpha)R}{v_c}$$
Soit :
$$ T_i = (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3}{MG}}$$
Pour le projectile, on a :
$$ T_s = 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}}$$
On peut donc poser l'égalité entre les deux :
$$ T_i = T_s $$
$$ (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3}{MG}} = 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}}$$
$$ (1-\frac{\alpha}{2\pi})^2 R^3 = a^3 $$
Soit, finalement :
$$ a = R (1-\frac{\alpha}{2\pi})^{2/3} $$
$$ a = R {f_{\alpha}}^{2/3} $$
En notant \(f_{\alpha} = (1-\frac{\alpha}{2\pi})\) le facteur de décalage entre les deux points de la trajectoire circulaire.
Avec \(0 \le 1-\frac{\alpha}{2\pi} \le 1\) pour \(0 \le \alpha \le 2\pi\).
excentricité
Le fait d'avoir introduit une excentricité nécessite de considérer l'équation d'une ellipse à partir de son foyer :
$$ r = \frac{p}{1 \pm e\cos(\theta)}$$
Avec, dans notre cas, \(p = \frac{C^2}{MG} = cte\).
(Ce paramètre est homogène à une distance)
Le fait d'avoir ou non une ellipse plus grande que notre orbite circulaire dépendra de l'énergie cinétique transmise au projectile.
Dans l'un ou l'autre des cas, le foyer ne sera pas le même et l'équation de \(r\) changera en fonction.
cas limites
Nous allons nous intéresser plus précisément aux propriétés des trajectoires elliptiques dont le vecteur distance varie au cours du temps (avec \(\dot r \ne 0\)).
Une façon simple de commencer à traiter les cas est le sens du lancer (dans la direction du vecteur vitesse).
Transfert extérieur
Si on envoie le projectile vers l'avant (dans le sens de rotation sur l'orbite circulaire), on augmente son énergie cinétique et on l'envoie sur une trajectoire elliptique au-delà de son orbite circulaire et la distance \(R\) est sa distance d'approche minimale à la source.
$$ v_c \lt V_s \lt v_{lib} $$
$$ r_{min} = R $$
$$ r = \frac{p}{1+e\cos(\theta)} $$
Avec la vitesse de libération (qui exclue les orbites fermées) comme limite maximale dans notre cas.
Orbite de transfert extérieure (violet) à l'orbite circulaire de départ (noir) avec un point en commun (émission/interception)
Le temps de trajet sera nécessairement plus long sur ces ellipses extérieures (notre solution devra probablement prendre en compte plusieurs tours de notre cible Marie, son sandwich risque de refroidir !). On laisse ce cas de côté pour l'instant.
On évoque ici le terme orbite de transfert mais ce terme correspond à un cas précis de transfert entre deux orbites circulaires pour le cas d'un mobile auto propulsé. Ce n'est pas le cas de notre sandwich ici d'où l'intérêt de trouver une solution qui minimise les écarts de vitesses entre cible et projectile. La majorité des résultats de notre problème s'applique tout de même au problème d'une orbite de transfert classique.
Transfert intérieur
Si on envoie le projectile vers l'arrière, on diminue son énergie cinétique et l'ellipse (ou la trajectoire) sera contenue dans l'orbite circulaire :
$$ V_s \lt v_c $$
$$ r_{max} = R $$
$$ r = \frac{p}{1-e\cos(\theta)} $$
(Le projectile continuera d'aller vers l'avant tant que sa vitesse n'est pas nulle)
En dessous de cette vitesse circulaire, on pourra atteindre n'importe quelle ellipse excentrique (pour un demi grand axe \(a\) fixé et une excentricité \(0 \lt e \lt 1\) fixée.
On va fixer une autre limite pour la distance d'approche minimale du projectile à la Terre : notamment que la distance minimale au centre est toujours supérieure au rayon de la Terre plus l'atmosphère de hauteur \(H\) (qui entraîne forcément un freinage et une dissipation : nous ne traitons pas ce cas).
Ici sur une orbite circulaire d'altitude 2km (noir) avec une atmosphère (bleu), de hauteur H=400km pour être visible
Du point de vue du vecteur position \(r\), on a :
$$ r = \frac{p}{1-e\cos(\theta)} > R_T + H $$
La plus petite valeur possible est pour \(\theta=\pi\) avec \(\cos(\theta)=-1\) :
En utilisant le fait que par définition d'une ellipse \(p = a(1-e^2)\), on obtient:
$$ r_{min} = \frac{p}{1+e} = \frac{a(1-e^2)}{1+e}$$
$$ r_{min} = a(1-e) \gt R_T + H $$
$$ 1-e \gt \frac{R_T + H}{a} $$
$$ e \lt 1-\frac{R_T + H}{a} $$
C'est la condition d'existence de notre ellipse à l'intérieur de notre orbite circulaire avec une excentricité maximale \(1-\frac{R_T + H}{a}\)
Une orbite excentrique intérieure (tireté violet) avec \(R=2R_T\) et \(H=400km\), ici avec l'excentricité maximale \( e\approx 0.296\).
On peut procéder de la même façon pour le point en commun (émission/interception).
Pour \(r_{max} = a(1+e) = R\), on obtient l'excentricité de notre ellipse en fonction de \(a\) et de \(R\):
$$ e = \frac{R}{a}-1$$
Avec \(e\gt0\) pour \(a\lt R\).
En combinant nos deux dernières équations, on vérifie la condition d'existence de l'ellipse de transfert:
$$ \frac{R}{a}-1 \lt 1-\frac{R_T + H}{a} $$
$$ R \lt 2a + R_T + H $$
$$ a \gt \frac{R_T + H + R}{2} $$
En notant \(R_1=R_T+H\) le rayon minimal, on trouve que notre grand axe \(2a\) doit être supérieur à la somme du plus grand rayon et du plus petit rayon :
$$ a \gt \frac{R_1 + R}{2} $$
transfert intérieur
On garde en considération la dernière partie du problème à résoudre : on intercepte (au même point que l'envoi) un mobile en décalage avec la source sur l'orbite circulaire de rayon \(R\).
On note \(R_1=R_T+H\), le rayon minimal d'approche.
interception directe
Le mobile intercepte la cible au premier tour (qui a fait, elle-même, moins d'un tour : \(2\pi-\alpha\)).
Soit :
$$ (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3}{MG}} = 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} $$
Comme précédemment, on en déduit une expression de \(a\) en fonction de \(R\) et \(\alpha\) :
$$ a = R . (1-\frac{\alpha}{2\pi})^{2/3}$$
$$ a = R . f^{2/3}$$
Avec \(f=1-\frac{\alpha}{2\pi}\)
Ici, on a \(a\lt R\) pour \( f \in~]0,1[\) et \(\alpha \in~]0,2\pi[\).
On va utiliser notre encadrement des grands axes possibles dans cette configuration :
$$ a_{min} = \frac{R_1+R}{2} $$
$$ a = R . f^{2/3}$$
$$ a_{max} = R $$
Soit :
$$ \frac{R_1+R}{2} \lt R f^{2/3} \lt R $$
On va retravailler l'inégalité pour déterminer les limites d'existence du décalage \(\alpha\) :
$$ \frac{R_1+R}{2R} \lt f^{2/3} \lt 1 $$
$$ \frac{R_1+R}{2R} \lt (1-\frac{\alpha}{2\pi})^{2/3} \lt 1 $$
$$ {(\frac{R_1+R}{2R})}^{3/2} \lt 1-\frac{\alpha}{2\pi} \lt 1 $$
On obtient ainsi les limites sur \(\alpha\):
$$ \begin{array}{lc} \alpha \gt 0 & = \alpha_{min} \\\ \alpha \lt 2\pi(1-(\frac{R_1+R}{2R})^{3/2}) & = \alpha_{max} \end{array} $$
On peut se convaincre rapidement que \(\alpha_{max} \lt 2\pi\) en évaluant le rapport \(\frac{R_1+R}{2R} \lt 1\) pour \(R_1 \lt R\).
Mais dans quelle mesure ?
On peut évaluer les cas aux limites de l'équation :
$$ \lim\limits_{R \to \infty} \alpha_{max} = \lim\limits_{R_1 \to 0} \alpha_{max}$$
$$ \lim\limits_{R \to \infty} \alpha_{max} = 2\pi(1-\frac{1}{\sqrt 8}) \approx 4.0617~(rad)$$
C'est une limite constante qui nous explique que la cible ne peut pas être trop en avance sur l'émetteur. C'est tout à fait normal dans le cadre d'une interception directe (si le décalage augmente, le temps de trajet de la cible devient trop court et aucune trajectoire elliptique ne peut concurrencer ce faible délai entre émission et réception). Cet angle maximal est environ de 232°, c'est plus d'un demi-tour et donc relativement satisfaisant en termes de possibilités.
Cependant dans les cas où \(R\) est plus proche de \(R_1\), cet angle est une contrainte forte et limite le temps d'avance de la cible :
$$ \lim\limits_{R \to R_1} \alpha_{max} = 0 $$
Le cas limite \(R=R_1\) annule le décalage : la seule solution est que la cible soit déjà au point d'émission (et instantanément de réception...).
Pour le cas \(R_1 \approx R_T\) et \(R=2R_1\), on obtient un angle de décalage maximal d'environ 126°.
De la même façon, on peut déterminer le rayon minimal de l'orbite circulaire pour permettre un décalage de \(\alpha=\frac{\pi}{2}\) et on trouve \(R \approx 1,54 . R_1\). Dans ce cas-là, le temps de transfert (ou d'interception) sera de 2 heures.
On peut encore réduire le temps de transfert en réduisant l'angle de décalage (avec toujours comme limite le rayon d'approche minimal).
interception différée
Ici on va voir le cas où la cible fait \(n\) tours (en plus de sa fraction de tour pour arriver au point de transfert) et le projectile fait \(m\) tours avant interception (avec \(m\) et \(n\) des entiers naturels, soient \((m,n)\in\mathbb{N}^2\)).
L'équation qui se pose pour obtenir une rencontre dans ces conditions est donc :
$$ (2\pi-\alpha)\sqrt{\frac{R^3}{MG}} + n.2\pi\sqrt{\frac{R^3}{MG}} = m. 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} $$
Soit :
$$ a^{3/2} = (\frac{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}}{m}) . R^{3/2} $$
Ou encore :
$$ a = f^{2/3} . R $$
Avec :
$$ f=\frac{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}}{m} $$
Pour \(f \lt 1\) on obtient déjà que \(m \gt n+1-\frac{\alpha}{2\pi}\) soit \(m \ge n+1 \). Le projectile parcourt moins de distance et devra combler en faisant plus de tours.
En utilisant notre inégalité sur le demi grand axe \(a\) :
$$ \frac{R_1+R}{2} \lt f^{2/3} . R \lt R$$
$$ \frac{R_1+R}{2R} \lt f^{2/3} \lt 1$$
$$ \left(\frac{R_1+R}{2R}\right)^{3/2} \lt \frac{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}}{m} \lt 1$$
On peut reformuler pour exprimer l'angle de décalage maximal possible :
$$ \alpha \lt 2\pi (n+1-m.\gamma) = \alpha_{max} $$
Avec \(\gamma = (\frac{R_1+R}{2R})^{3/2}\)
En posant que \(\alpha_{max} \gt 2\pi\) (pour un angle de décalage limite plus grand qu'un tour, on se donne alors toute les possibilités de décalage) :
$$ 2\pi \left(n+1-m.\gamma \right) \gt 2\pi $$
On obtient :
$$ n+1-m . \gamma \gt 1 $$
Et donc une relation entre \(m\) et \(n\) qui ne sont pas indépendants dans notre problème :
$$ n \gt m . \gamma $$
Comme \(\gamma \lt 1\), on peut supposer que \(n=m-1\), soit un tour de différence exactement. On respecte déjà le cas d'une interception directe avec \(n=0\) et \(m=1\).
On va utiliser cette nouvelle relation \(n=m-1\) dans notre inégalité :
$$ m-1 \gt m \gamma $$
Soit :
$$ m.(1-\gamma) \gt 1$$
$$ m \gt \frac{1}{(1-\gamma)} $$
Ce qui se traduit pour notre angle de décalage maximal par :
$$ \alpha_{max} = 2\pi m (1-\gamma) $$
Dans le cas où \(R \gg R_1\), on a \(\gamma \to \frac{1}{\sqrt{8}}\) :
$$ m \gt \frac{1}{1-\frac{1}{\sqrt{8}}} \approx 1,55 $$
Donc lorsque \(R_1\) devient négligeable devant \(R\), il faudra au minimum \(m=2\) tours pour assurer un transfert quelque soit le décalage \(0 \lt \alpha \lt 2\pi\).
Dans le cas où \(R\) est proche de \(R_1\), par exemple pour \(R=2R_1\), on obtient :
$$ m \gt \frac{1}{1-\gamma} \approx 2,85 $$
Pour assurer ce transfert quel que soit le décalage \(\alpha\), il faudra donc \(m=3\) tours.
Ici par exemple, pour un décalage de 270° (soit 3/4 de tour):
Marie devra attendre presque 9 heures pour recevoir son repas dans ces conditions. C'est intolérable.
généralisation des conditions d'interception
Nous avons utilisé notre rayon d'approche minimal \(R_1=R_T+H \approx R_T\) pour déterminer des conditions d'existence de notre transfert.
Nous avons également pris une hypothèse sur la relation entre \(m\) et \(n\) pour pouvoir établir ces conditions en termes de nombre de tours. Nous pouvons cependant généraliser cette résolution pour se convaincre de la démarche.
On prend cette fois un rayon d'approche minimal \(R_1 \gt R_T+H\) et on exprime nos paramètres :
$$ 2a = R_1+R $$
$$ e = \frac{R-R_1}{R+R_1} $$
Pour la vitesse de transfert, on a :
$$ v = v_{c} \sqrt{2-\frac{R}{a}} $$
$$ v = v_{c} \sqrt{\frac{2R_1}{R+R_1}} $$
$$ v = v_{c} \sqrt{1-e} $$
Avec \(v_c=\sqrt{\frac{MG}{R}}\) la vitesse orbitale au rayon \(R\). On a \(T_c\) la période sur l'orbite \(R\) et \(T_p\) la période du projectile sur son orbite de transfert.
La condition d'interception après émission du projectile à \(t=0\) est :
$$ m. T_p = (n+1-\frac{\alpha}{2\pi}) . T_c $$
Soit :
$$ m. 2\pi\sqrt{\frac{a^3}{MG}} = (n+1-\frac{\alpha}{2\pi}) . 2\pi\sqrt{\frac{R^3}{MG}} $$
$$ m. \left(\frac{R+R_1}{2}\right)^{3/2} = (n+1-\frac{\alpha}{2\pi}) . R^{3/2} $$
On obtient donc une relation entre \(m\) et \(n\) :
$$ \frac{m}{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}} = \left( \frac{2R}{R+R_1} \right)^{3/2} = (1+e)^{3/2} $$
Ou encore :
$$ m = (n+1-\frac{\alpha}{2\pi})(1+e)^{3/2} $$
Nos solutions \((m_i,n_i)\) sont les couples de valeures entières qui vérifient cette équation.
Après l'interception
On peut observer sur le cas précédent que le projectile doit faire un tour après interception pour retrouver l'émetteur. Ensuite, il lui faudra 3 tours pour intercepter de nouveau la cible (et ce, de façon périodique).
On peut intuitivement faire le rapprochement avec le décalage \( \frac{\alpha}{2\pi} = \frac 3 4\). Si \(\alpha\) fait \(3/4\) de tour et que l'on intercepte en 3 tours, le projectile gagne \(1/4\) de période de la cible à chaque tour afin d'arriver en même temps que la cible.
Le tour suivant l'interception, le projectile continue de gagner un quart de tour et retrouve l'émetteur. Et ainsi de suite (on tourne un peu en rond).
On peut refaire le travail sur le temps d'interception \(T_i\) avec cette fois le temps de "repassage" \(T_r\) au niveau de l'émetteur.
L'émetteur (Pierre) aura un temps \(T_r\) :
$$ T_r = T_i + (\frac{\alpha}{2\pi}+k) T_c $$
Avec \(k \ge 0 \).
Au moment de l'interception, l'émetteur est en retard sur la cible et il doit faire un trajet de longueur \(\alpha R \) sur sa trajectoire pour rejoindre de nouveau le point d'interception.
A partir de ce moment, il lui faudra éventuellement \(k\) tours en plus pour retrouver le projectile.
Le projectile aura un temps \(T_r\) :
$$ T_r = (m+l) T_p = T_i + l T_p $$
$$ T_r = T_i + l (\frac{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}}{m}) T_c $$
Avec \(l\) le nombre de tours du projectile après interception.
On peut donc déduire l'égalité suivante :
$$ m.(k+\frac{\alpha}{2\pi}) T_c = l.(n+1-\frac{\alpha}{2\pi}) T_c $$
En simplifiant par \(T_c\) (qui n'est pas nul) :
$$ m.(k+\frac{\alpha}{2\pi}) = l.(n+1-\frac{\alpha}{2\pi}) $$
Selon cette égalité, on peut choisir un angle \(\alpha\) pour obtenir une contrainte sur ce retour vers l'émetteur (en plus des nombres de tours \((n,m)\) avant interception):
$$ \alpha_{n,m,k,l} = 2\pi \left(\frac{l(n+1)-mk}{m+l} \right)$$
On peut vérifier le cas précédent :
$$ \frac{\alpha_{2,3,0,1}}{2\pi} = \frac{3}{4} $$
Ou encore déterminer une position d'échange qui réduit les temps d'échanges :
$$ \frac{\alpha_{0,1,0,1}}{2\pi} = \frac{1}{2} $$
Soit \(\alpha=\pi\).
Si on veut respecter nos conditions d'existence pour l'ellipse, il faut vérifier que le rayon minimal est bien compris entre \(R_{min}=2a-R\) et notre orbite de rayon \(R\) pour un transfert intérieur (avec \(a=f^{2/3}.R\) et \(f=\frac{n+1-\frac{\alpha}{2\pi}}{m}\)). Cette formule pour \(\alpha\) permet tout de même d'accéder aux solutions de transfert extérieur en adaptant la vitesse du transfert.
Si l'angle de décalage est fixé, on peut déduire combien il faudra de tours supplémentaires à l'émetteur pour retrouver le projectile dont on fixe le nombre de tours \(m\) (avant interception) et \(l\) (après interception) :
$$ k_{n,m,l} = \frac{l(n+1)-(m+l)\frac{\alpha}{2\pi}}{m}$$
Conclusion
Marie va probablement sauter au moins un repas.
Si nos astronautes sont en orbite basse, par exemple \(R=1,1.R_T\) soit une altitude \(h=637,1\) km, une interception directe (pour un transfert intérieur) est impossible et il faudra 15 tours du sandwich et un peu plus de 23h d'attente pour que Marie obtienne son repas.
De façon plus satisfaisante, si nos astronautes sont en orbite \(R=1,54.R_T\) soit une altitude d'environ \(h=3440,34\) km, on peut obtenir un transfert direct pour \(\alpha=\frac{\pi}{2}\) d'environ 2 heures.
Références
- Lois de Kepler
- Mécanique des forces centrales
- Vitesses cosmiques
- Johannes Kepler
- Analyse dimensionnelle
- Orbites de transfert (un cas différent du nôtre ici)